Nombreux sont les luthiers qui se tournent vers les guitares classiques double-tables. Il est vrai qu’il y a une certaine proximité dans la construction de guitares traditionnelles et celle de double-tables. Et en effet, on peut penser que pour produire une double-table et profiter d’un volume supplémentaire, il suffit de remplacer la table avec une table en sandwich utilisant du Nomex et que le tour est joué ! Et bien que nenni, parmi les DT que nous recevons 3 sur 4 repartent chez leurs concepteurs, soit par défaut de puissance, soit par l’absence de maîtrise du timbre de la guitare.
Nous avons reçu pas mal de sollicitations de luthiers qui nous ont présenté leurs réalisations et voici quelques unes de nos réflexions:
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un exercice pas si facile que cela !
En examinant les guitares double-tables que nous avons reçues, force est de constater que cela n’est souvent qu’une demi-réussite . Si le volume est là dans le meilleur des cas, on note une absence de couleur sonore car la dynamique de projection prend le dessus sur la longueur des notes. Dans le pire des cas, l’on entend un gros départ de notes, une sonorité assez sèche et un sustain court. La couleur sonore est souvent assez neutre sans travail sur la matière. Une belle couleur sonore pour nous c’est avant tout en fonction du choix du luthier, de la rondeur et de la chaleur ou une épaisseur sonore des notes ou des aigus cristallins à l’inverse avec un long sustain et une belle séparation des voix.
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Le problème du sustain
La longueur de son est le point sensible des double-tables surtout quand celles-ci sont trés légères et offrent donc peu de masse/inertie pour stabiliser les résonances de la table. On ne vous cache pas que c’est avant tout notre critère de sélection. Toutes les notes, et quand l’on toutes cela veut dire l’ensemble des notes – jouées séparément en étouffant les autres cordes – doivent au moins avoir la durée d’une blanche (1,2). Si la guitare présente ne serait-ce qu’une seul note courte .. c’est le retour chez le luthier. Pour palier à ce problème d’inégalité du sustain et des notes courtes, chacun de nos luthiers a ses secrets. Martin Blackwell met en oeuvre dans ses tables ce qu’il appelle la barre ‘Bouchet’ une barre qui permet de prolonger et d’égaliser les notes.
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le poids de la table et de la guitare comme élément déterminant
En comparant ces nouvelles DT avec celles de nos luthiers reconnus, la premier constat est que bien souvent les tables et les guitares dans leur ensemble sont trop lourdes. Les tables comme celles de Gernot Wagner et de Matthias Dammann ne dépassent pas 2.5 mm d’épaisseur en comprenant le deux couches de cèdre et le Nomex ou Balsa et le poids de leur guitare au total doit rester en dessous de 1.6 kg. Il faut trouver la juste épaisseur de chaque table et du Nomex pour garantir par ailleurs la solidité de la guitare. Une telle économie de moyen exige un vrai savoir-faire qui demande plusieurs années d’expérience. Sachant que cela reste bien sûr une observation empirique car nous comptons aussi parmi nos Dt celles de Charalampos Koumridis qui font 2.2 kg.
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la nature du barrage est à réinventer
Parce que nous avons la chance de recevoir de nombreuses double-tables, nous avons constaté que le barrage est trés éloigné de celui d’une guitare traditionnelle. Certains maîtres luthier positionnent leur barrage de travers, d’autres utilisent du carbone pour alléger encore leur table. Fonctionnellement il assure un tout autre rôle que sur une guitare traditionnelle car c’est le Nomex qui assure en principe la stabilité de la table et non le barrage qui devient un élément pour ajuster la couleur sonore.
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on ne mégote pas sur la qualité
Face à une telle économie de moyen, la qualité des bois devient primordiale, le dos et les éclisses, le manche et la touche, tout compte y compris la coupe des bois et les temps de séchage. Nous avons visité l’atelier de Gernot Wagner qui nous a montré comment la qualité des bois impactait la sonorité et la longueur de son.
En conclusion, parce que les DT, offrent une économie de moyen implacable en matière de fabrication (faible poids, matériaux trés fins,..), il faut plusieurs années d’expérimentation et une adhésion totale au concept pour trouver sa voie (et sa voix par ailleurs), seul les plus grands luthiers arrivent à des résultats.
Nous ne pouvons que vous conseillez de comparer les double-tables que vous pouvez trouver avec d’autres DT, sinon vous risquez de voir votre appétit musical s’émousser une fois passer la prise en main de votre instrument et du volume additionnel. Le volume seul ne suffit pas!
En ce qui nous concerne, sur la petite quinzaine de double-tables que nous avons reçues et testées à ce jour, nous avons limité notre choix à quelques trés bonnes DT qui offrent surtout de belles couleurs sonores et bien sûr une puissance acceptable: Ceci dit nous attendons avec impatience une double-table d’un luthier français Jean-Noel Lebreton qui s’annonce prometteuse.
Tout reste à apprendre et sur l’échelle du temps les DT sont encore bien jeunes par rapport aux concepts de lutherie ‘Bouchet’ ou Torres. Et cette idée nous remplit d’enthousiasme laisse augurer de belles découvertes à venir.
Voici la liste des DT qui sont passées dans notre showroom avec les liens de façon à ce que vous puissiez les écouter :